Comment les Terriens laissent leur planète en péril...

Publié le par Dimitri Chuard

cop15.pngDifficile de cacher un profond sentiment de déception. Difficile de ne pas éprouver l'impression d'un échec aux conséquences graves pour ce qui devait être au cœur de la conférence de l'ONU réunie depuis deux semaines à Copenhague, et qui s'est achevée le samedi 19 décembre : la lutte contre le réchauffement climatique – rien de moins, en somme, que la préservation de l'état de la planète pour les générations futures.

Le texte se borne à enregistrer l'engagement individuel des Etats à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. On est dans la bonne volonté et la déclaration d'intention, pas dans un document précis et contraignant. Le texte ne reprend d'ailleurs pas l'idée d'une organisation mondiale de l'environnement chargée d'assurer un minimum de contrôle des dégagements de CO2.

Que s'est-il passé ? L'Europe défendait des objectifs ambitieux qu'elle n'a pas su, pas pu, faire partager. Elle a été marginalisée face à une coalition qui témoigne de la répartition du pouvoir politique dans le monde d'aujourd'hui: les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud. La Chine est au cœur de l'échec de Copenhague. Pour des raisons de compétitivité économique, Pékin ne veut pas imposer à ses industriels des normes environnementales trop restrictives. Mais, beaucoup plus encore, la Chine ne supporte pas l'idée d'un contrôle international chez elle.

Dans le monde d'aujourd'hui, sur des questions de l'ampleur de celles du climat, s'il n'y a pas au préalable un accord entre la Chine et les Etats-Unis – le fameux G2 –, il ne se passe pas grand-chose. Et encore moins s'il faut décider à 192, procédure onusienne inapplicable et totalement inadaptée, comme l'a montré l'étonnante foire d'empoigne qui vient de s'achever à Copenhague.

 

Lundi 7 décembre. La 15e Conférence des parties (COP15) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) débute dans une atmosphère plutôt optimiste. 45000 personnes ont été accréditées: l'attente est énorme, mais l'énergie semble là.

Mardi 8. Premier dérapage de la présidence danoise: son projet d'accord, dévoilé par The Guardian, met le feu au groupe des pays en développement, le G-77, qui accuse le Danemark de "manque de transparence" et de partialité en faveur des Etats-Unis. La bataille des textes commence.

Samedi 12. L'événement se passe à l'extérieur du Bella Center : plusieurs dizaines de milliers de personnes défilent dans les rues de Copenhague pour réclamer des dirigeants un accord ambitieux. "Il n'y a pas de plan B", "Changer le système, pas le climat", sont les principaux slogans. Par ailleurs, la Chine s'insurge contre l'absence de mention de la réunion du protocole de Kyoto sur les affiches officielles de la conférence. Celles-ci ne signalent que la COP 15 et ne fait pas mention de la CMP 5 (conférence des parties du protocole de Kyoto). Ce signal aurait dû être pris davantage au sérieux : l'avenir du protocole de Kyoto va être au cœur des affrontements des jours suivants.

Dimanche 13. La présidente de la conférence, Connie Hedegaard, a fait venir de façon anticipée à Copenhague quelques ministres des différents continents, qu'elle réunit à huis clos dans un hôtel. L'initiative est mal vécue par les négociateurs, qui se sentent court-circuités. Entre l'initiative politique dont elle doit faire preuve et le respect de la procédure de la négociation internationale, la présidence ne trouve pas le bon tempo.

Lundi 14. Le malaise et la défiance s'installent. Le groupe des pays africains fait le siège du bureau de la présidence pour exiger que celle-ci réintègre dans la discussion le texte sur le protocole de Kyoto, qu'elle avait tenté d'écarter. Pour ces pays, ce texte est la seule garantie que les pays développés auront des engagements contraignants. Après plusieurs heures d'interruption de séance, Connie Hedegaard donne suite à cette demande.

Mardi 15. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, ouvre la session ministérielle. Un parfum d'échec traîne déjà dans les couloirs du Bella Center. Les incidents de procédure se multiplient, les discussions n'ont pas commencé sur le fond. Mme Hedegaard l'admet: "Nous pouvons échouer."

Mercredi 16. Les organisations non gouvernementales (ONG), qui ont contribué, avec les scientifiques, à faire de cette conférence un événement mondial, commencent à en être exclues. Le secrétariat réduit drastiquement le nombre d'accréditations, autant pour faire de la place aux délégations présidentielles que par crainte des manifestations. De 20 000 représentants d'ONG accrédités, on passera à 90 le vendredi. La course aux badges commence: certains gouvernements font entrer discrètement des ONG dans leur délégation. Les ministres s'exaspèrent: le temps file et ils n'ont toujours pas de texte à négocier. Les premiers chefs d'Etat arrivent.

Jeudi 17. En début d'après midi, le Danemark se résout à donner aux ministres des 193 pays deux textes truffés de crochets, préparés par les négociateurs techniques. "Tenez-vous bien et attention à la fermeture des portières, la voiture repart", claironne imprudemment Yvo de Boer, le secrétaire de la CCNUCC. Les chefs d'Etat commencent à prendre la parole à la tribune. Quand vient son tour, Nicolas Sarkozy demande une réunion d'urgence d'un groupe de pays représentatifs chargé de formuler, sous forme de déclaration politique, les bases d'un accord. La demande, faite également par l'Union européenne, est acceptée. La réunion a lieu à 23 heures, au Bella Center, après un dîner chez la reine du Danemark. Vingt-six pays sont retenus pour composer ce groupe. Leurs représentants travaillent toute la nuit pour rédiger un brouillon d'accord. Mais les dissensions sont trop fortes pour y parvenir.

Vendredi 18. Les chefs d'Etat et de gouvernement, enfermés dans une salle au premier étage du Bella Center, "draftent" eux-mêmes le projet d'accord. Plusieurs versions défilent. A chaque fois, le texte se vide un peu plus de sa substance. L'affrontement entre les Etats-Unis et la Chine domine les échanges, régulièrement suspendus. En fin d'après-midi, la Chine organise une réunion avec l'Inde et le Brésil, réunion à laquelle – selon les versions – Barack Obama s'invite ou est invité. C'est là qu'aurait été trouvé un compromis sur le contrôle des engagements climatiques qu'exigent les Etats-Unis. Il est environ 21 heures, les principaux points de la déclaration sont réglés. Les chefs d'Etat s'en vont. Vers 22 heures, Barack Obama annonce qu'un accord "significatif" a été trouvé. Pourtant le texte n'est toujours pas finalisé.

Samedi 19. A 3 heures du matin, une version définitive du texte est présentée "pour information" à la séance plénière de la CCNUCC. Une audience houleuse débute, un certain nombre de pays contestant la légitimité de texte, au statut incertain. A 9 heures, il est acquis que la déclaration ne pourrait être acceptée par consensus, et donc devenir une décision de la convention.

Avec "Le Monde"

Publié dans [Événement]

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