Quel avenir pour le programme Constellation ?

Publié le par Dimitri Chuard

Entre le premier vol spatial d'Alan Shepard et l'alunissage de Neil Armstrong, à peine plus de huit ans s'écoulent. La logique voudrait donc qu'entre le discours de George W. Bush du 15 janvier 2004 - consacrant la volonté américaine de retourner sur la Lune - et le retour de la bannière étoilée sur l'astre de nuit, bien moins de temps ne se passe. Or, en dépit des progrès techniques, c'est tout l'inverse. Un alunissage n'est pas prévu avant 2019 ou 2020, et certains experts assurent même que 2025 est un horizon plus plausible... Il faudra aux Américains au moins deux fois plus de temps pour retourner sur la Lune qu'il ne leur en aura fallu pour y aller.

La complexité du programme Constellation (successeur d'Apollo) n'est pas seule en cause. Certes, il faudra cette fois développer deux fusées - Ares-1 mettra sur orbite terrestre la capsule Orion et son équipage, tandis que l'immense Ares-5 amènera sur la même orbite le fret et le module lunaire Altair. Une fois Altair et Orien arrimés l'un à l'autre, l'ensemble partira vers la Lune. Les charges utiles transportées sont plus importantes que lors des missions Apollo : la construction d'une base lunaire permanente, envisagée, nécessiterait d'apporter sur place les éléments du meccano.

Ce n'est pas tout. Reflet de la nouvelle multipolarité du monde, les Etats-Unis ne sont plus seuls maîtres de leur destin spatial. Au côté de l'Europe, du Japon, de la Russie, ils sont engagés dans le coûteux projet de station spatiale internationale (ISS), dont la construction, sur orbite basse, est prévue pour être achevée aux environs de 2015.

L'administration Bush a bien manifesté son désir d'écourter sa participation à l'ISS, quitte à devoir détruire la station au moment même où elle deviendrait pleinement opérationnelle. "Mais lorsque les Etats-Unis ont signifié qu'ils prévoyaient la fin de l'ISS en 2015, leurs partenaires ont protesté et ils ont reculé pour fixer cette échéance à 2015-2020, explique Francis Rocard, responsable de l'exploration du système solaire au Centre national d'études spatiales (CNES). Or, il n'y a aujourd'hui que 100 milliards de dollars alloués au programme Constellation, quand l'OMB (Office of Management and Budget, ou Bureau de la gestion et du budget) estime à 200 milliards de dollars environ le budget nécessaire à un alunissage en 2020."

Où trouver les fonds nécessaires ? La question à tout du casse-tête. L'interruption de la participation dans l'ISS soulèverait les protestations des pays partenaires et pourrait compromettre de futures collaborations. Interrompre des projets de la NASA ? "Par le passé, l'arrêt de programmes en cours a déjà ouvert de graves crises à l'agence spatiale américaine", prévient M. Rocard. De plus, une part des programmes en cours sont liés à l'observation de la Terre et bénéficient du soutien de la nouvelle administration - Barack Obama étant réputé sensible à la question climatique.

Reste peut-être une solution : interrompre le programme lunaire lui-même. "Pour le moment, le point de non-retour n'est pas encore franchi, dit Francis Rocard. C'est-à-dire que les éléments qui sont en train d'être développé ne sont pas spécifiquement lunaires et pourraient être utilisés à d'autres fins. L'administration Obama peut encore tout arrêter sans réelles pertes financières." Le 7 mai 2009, Barack Obama a installé une commission présidée par Norman Augustine, ancien patron de l'avionneur Lockheed Martin, pour réviser les projets américains en matière de vols habités. Elle devrait rendre bientôt le résultat de ses travaux. Quitte à gâcher le quarantième anniversaire d'Apollo 11 ?

Stéphane Foucart
lemonde.fr

Publié dans [Lumière sur...]

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